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SANIAL Elsa

A la recherche de l’ombre, géographie des systèmes agroforestiers émergents en cacaoculture ivoirienne post-forestière.

Publié le 16 juillet 2020 Mis à jour le 16 juillet 2020

Thèse en Sciences Sociales, soutenue le 13 décembre 2020.

En C?te d'Ivoire, où 40% du cacao mondial est produit, la majeure partie des forêts a été convertie en plantations de cacao. Après un siècle d'expansion, cette culture et ses producteurs font face à une nouvelle situation environnementale qualifiée ici de "post-forestière". D'une part, la couverture forestière a presque entièrement disparu avec la progression des fronts pionniers cacaoyers ; d'autre part, les monocultures, caractérisant 90% du verger cacaoyer ivoirien au début du XXIème siècle, semblent aujourd'hui atteindre leurs limites (attaques de parasites, réduction de la durée de vie productive) ; enfin les évolutions climatiques récentes sont moins favorables à cette culture (Bigot et al., 2005). La conjonction de ces différents éléments conduit à un "blocage structurel" (Léonard et Oswald, 1996) de la cacaoculture. Dans l'histoire de la cacaoculture, un autre pays ou une autre région prennent le relais de la région en crise (Ruf, 1995). Ce doctorat étudie ainsi les stratégies d'adaptation, notamment agroforestières, des producteurs de cacao et dresse le tableau d'une bifurcation post-forestière possible au modèle universel d'alternance entre booms et crises cacaoyères. Il est basé sur des inventaires botaniques en plantation de cacao, des entretiens avec les producteurs, une cartographie multichronique d'usage des sols et deux monographies. Les pratiques agroforestières des producteurs sont ainsi étudiées à la croisée de données environnementales et socio-économiques sur quatre sites représentatifs des différents stades de progression de la cacaoculture (à savoir d'Est en Ouest : Akoupé, Divo, Guéyo et Méagui).
Les principaux résultats sont les suivants : 1. Les plantations de cacao étudiées sont très diverses allant de systèmes proches de la monoculture jusqu'aux agroforêts denses et pluri-stratifiées. Dans l'échantillon étudié, 22% des 137 parcelles étudiées présentent des caractéristiques agroforestières. 2. Les contributions environnementales évaluées (biodiversité, stockage de carbone, bois d'oeuvre, usages alimentaires, usages médicinaux et contributions agronomiques pour les cacaoyers) sont généralement différentes de celles d'un écosystème forestier. Il appara?t toutefois que la gestion de l'origine des arbres (rémanent, recr? spontané ou planté) par les producteurs modèle la capacité de ces systèmes à fournir différentes contributions environnementales. 3. Depuis une décennie, une tendance à la densification et la diversification des arbres associés se dessine dans les parcelles de cacao. En confrontant discours et pratiques des producteurs, il appara?t que 67% d'entre eux ont une attitude favorable aux arbres associés. 4. Les stratégies "post-forestières" des producteurs sont diverses, de l'abandon de la cacaoculture au recours aux intrants chimiques ou à l'intensification écologique ; elles incluent une variété de systèmes agroforestiers et témoignent d'une vélléité de poursuivre la cacaoculture dans des conditions post-forestières. 5. La mise en place de stratégies agroforestières appara?t comme une réponse à une situation de précarité foncière, à l'échelle du ménage et du finage. 6. Enfin, ces évolutions de la cacaoculture font émerger de nouvelles ressources. Des conflits de gouvernance autour de leur appropriation aux échelles locales, régionales et nationale restent le principal obstacle à l'adoption et au succès de stratégies agroforestières.
A travers une approche transdisciplinaire, ce doctorat de géographie, à l’interface nature-sociétés, illustre les relations particulières qui se tissent entre producteurs de cacao et environnement post-forestier.

 
In Ivory Coast, where 40% of world cocoa beans are produced, most forests have been converted into cocoa plantations. After a century of expansion, this crop and its producers are facing with a new environmental situation, here called ? post-forest conditions ?. Firstly, forest cover has almost completely disappeared ; secondly, monocultures are showing their limits (pests attacks, productive lifelenght shortened) ; and finally recent climatic evolutions are less suitable to this crop (Bigot et al., 2005). The conjunction of these different elements has led to a ? structural blockage ? (Leonard and Oswald, 1996). In cocoa history, when such situation occurs another country or region would take over the area in crisis for cocoa production (Ruf, 1995). This PhD studies adaptation strategies, especially agroforestry ones, of cocoa farmers and depicts a possible bifurcation from the universal boom and busts model. It is based on botanic inventories, farmers interviews, multichronic land use maps (1956-2017) and two monographies. Farmers agroforestry practices are analysed at environmental and socio-political data crossroads on four sites representative of different stages of cocoa history (from East to West : Akoupé, Divo, Guéyo and Méagui).
Main results are the following : 1.Studied cocoa plantations are very diverse from systems close to monocropping to dense and multi-stratified agroforests. In the sample studied, 22 % of the 137 studied plots have agroforestry caracteristics. 2.The assessed environmental contributions (biodiversity, aboveground carbon stocks, timber, food use, medicinal use and agronomic contributions to cocoa trees) differ from forest ones. However, farmers management of trees origins (remnant, recruited or planted) shapes agroforests capacity to provide these contributions. 3.Since a decade, there is a trend of densification and diversification of associated trees in cocoa plots. Through the comparison between speeches and practices one can consider that 67% of farmers have an attitude favorable to associated trees. 4.Farmers ? post-forest ? strategies are diverse, from abandoning cocoa to chemical inputs use or ecological intensification, they include several agroforestry systems and are witnesses of a general will to maintain cocoa production activities in post-forest conditions. 5.Adopting agroforestry strategies appears as an answer to land scarcity situation at household and village scale. 6.Finally, these evolutions of cocoa growing open the needs for new ressources. Governance conflicts about these ressources appropriation at local, regional and national scale are the main obstacle to agroforestry adoption and success.
Through a transdisciplinary approach, this geography PhD illustrates the relationships that bounds cocoa producers and post-forest environment.

Mots-clés : Cacao, Agroforesterie, C?te d'Ivoire, Contributions environnementales, Pratiques paysannes, Post-forêt

Keywords : Cocoa, Agroforestry, Ivory Coast, Environmental contribution, Farmers practices, Post-forest


Directeur de thèse : Michel MIETTON et Fran?ois RUF

Membres du jury :
- Mr Michel MIETTON, Directeur de thèse, Professeur des universités émérite, Université Jean Moulin Lyon 3,
- M. Fran?ois RUF, Codirecteur de thèse, Directeur de recherche, CIRAD Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, Montpellier,
- Mme Stéphanie CARRIERE, Chargée de recherche habilitée à diriger des recherches, IRD Institut de recherche pour le développement, Montpellier,
- M. Jean-Louis CHALEARD, Professeur des universités émérite, Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne,
- M. Etienne COSSART, Professeur des universités, Université Jean Moulin Lyon 3,
- M. Bruno HERAULT, Chargé de recherche, CIRAD, Montpellier,
- Mme Valentina ROBIGLIO, Chargée de recherche, Lead Scientist, World Agroforestry, Lima, Pérou
- M. Tra Aimé VROH Bi, Ma?tre de conférences, Université Felix Houphouet Boigny, Abidjan, C?te d’Ivoire.


Président du jury : Etienne COSSART